Une petite dame

Des fois mes mots sont aussi inspirées d’histoires bien réelles…

Ce matin, devant moi à la caisse du supermarché, une petite dame posait ses courses sur le tapis roulant. Elle s’est tournée vers moi et m’a demandée si je voulais passer devant, parce que je n’avais pas beaucoup d’articles. Elle tremblait un peu, je n’ai pas trop fait attention, au début. Je lui ai répondu avec un grand sourire que je patienterais bien, que j’avais quand même pas mal de choses. Elle a souri, aussi, puis s’est retournée vers la caisse, attendant patiemment son tour. Elle tremblait toujours. Ce n’était pas à cause du froid, non. Son mouvement était saccadé, presque régulier, d’avant en arrière, d’arrière en avant. Je la regardais essayant de se retenir à la caisse pour camoufler son oscillation, le regard dans le vide, peut-être gênée de gêner. Le client avant elle était en train de chercher sa monnaie, avec une lenteur effroyable, comme pour prolonger le supplice. Et la petite dame était là, calme mais pourtant si agitée. Elle accompagnait la musique, une sorte de tempo électronique, parfaitement dans le rythme. J’aurais pu rire si ça avait été volontaire de sa part, j’aurais pu rire si ça n’avait pas été cette petite dame là. Je voulais tant la prendre dans mes bras, elle, si frêle, la calmer, la serrer très fort contre moi, l’apaiser. Qu’elle puisse enfin se reposer, avoir un peu de répit. J’aurais aimé être là pour elle, l’aider, faire quelque chose.

Alors, quand elle a eu payé et rangé ses courses, elle m’a regardée. J’ai fixé ses grands yeux et je lui ai souri. Et dans ce sourire j’ai mis toute mon énergie, toute ma volonté, toutes mes émotions, tout ce que j’avais. Je lui ai dit ce que j’avais pensé, ce que j’aurais voulu faire, ce que j’aurais pu faire. Et je pense qu’elle a compris.

Elle est repartie, péniblement, d’une démarche saccadée.

Parkinson, j’ai pensé, quand je l’ai vue s’éloigner.
Parkinson. Mais cela n’avait aucune importance.